Géométrie euclidienne plane [C1.IV.3]
La géométrie affine, explorée dans le chapitre précédent, se concentre sur la structure de corps de l’ensemble $\mathbb R$ et ses implications géométriques dans le plan euclidien $\mathbb R^2$. Cette étude, basée sur les opérations d’addition, soustraction, multiplication et division, peut être étendue, mutatis mutandis, à des notions similaires définies sur un sous-corps $K$ de $\mathbb R$ (voir [C1.IV.2], Sous-corps de $\mathbb R$ (1.1)]).
Cependant, en abordant la mesure des distances et la notion d’orthogonalité, nous pénétrons dans l’univers de la géométrie euclidienne. Cette discipline se distingue à partir de l’existence de racines carrées pour tous les nombres réels positifs, une propriété non garantie dans tous les sous-corps, bien que l’on puisse se limiter au besoin aux carrés des distances. Notre objectif dans ce chapitre est de compléter de manière essentielle notre compréhension de la géométrie du plan, avant d’examiner les propriétés analytiques de la droite réelle dans le cours suivant.
Alors que le triangle est la figure centrale de la géométrie affine, le cercle devient également emblématique de la géométrie euclidienne. En plus de cela, si en géométrie affine nous nous concentrons sur les applications et transformations linéaires et affines – qui préservent le parallélisme et la colinéarité, en géométrie euclidienne nous aborderons les isométries – qui préservent l’orthogonalité et les distances. Ce chapitre se conclura par une classification détaillée de ces transformations.
1.Produit scalaire et orthogonalité
1.1.Distance et norme euclidiennes
L’intuition géométrique sous-jacente à la représentation du plan cartésien, avec les coordonnées des points ou des vecteurs, reflète l’idée d’orthogonalité.
En effet, la représentation d’un point $M=(a,b)$ à partir de ses coordonnées $a$ et $b$ consiste à l’envisager à partir de sa projection sur les deux axes, des abscisses et des ordonnées.
Or, ces deux projections sont habituellement représentées comme les intersections des perpendiculaires aux deux axes passants par $M$, avec ces deux axes (figure 1).

A partir de cette simple constatation, nous allons définir les notions d’orthogonalité et de perpendicularité. Pour cela, nous nous appuierons sur leur rapport intuitif naturel à la notion de distance.
Etant donné un autre point $N=(c,d)$ du plan, comment mesurer, c’est-à-dire ici définir, la distance $MN$ ? En considérant la représentation usuelle du plan cartésien, l’approche la plus directe paraît consister à partir du théorème de Pythagore, pour le traduire dans un cadre moderne.
En effet, nous pouvons considérer le segment $[MN]$ comme hypoténuse d’un triangle rectangle dont les autres côtés auraient pour longueurs les (valeurs absolues) des différences des coordonnées : $|a-c|$ et $|b-d|$ (figure 2).
L’interprétation moderne de ce théorème est que le carré de la longueur $MN$ devrait la somme des carrés de ces deux autres longueurs, autrement dit que $MN^2=|a-c|^2+|b-d|^2$. Ceci amène naturellement à poser la définition suivante :
Définition 1.1
Si $M=(a,b)$ et $N=(c,d)$ sont deux points du plan, la distance (euclidienne) entre $M$ et $N$ est le nombre réel $MN=\sqrt{(a-c)^2+(b-d)^2}$.
La dualité entre points et vecteurs permet de traduire cette notion de distance sur les vecteurs, dans le concept fondamental de norme : la norme d’un vecteur est une mesure de son amplitude. Dans l’exemple présent, la norme du vecteur $\overrightarrow{MN}$ sera donc simplement la distance de $M$ à $N$ :
Définition 1.2
Si $u=(x,y)$ est un vecteur de $\mathbb R^2$, la norme (euclidienne) de $u$, est le nombre réel $||u||=\sqrt{x^2+y^2}$.
Ainsi, distance et norme euclidiennes sont deux notions parfaitement duales l’une de l’autre : un couple $(M,N)$ de points détermine un vecteur $\overrightarrow{MN}$ dont la norme $||\overrightarrow{MN}||$ est la distance $MN$ entre ces points, et un vecteur $u$ associe à chaque point $M$ un autre point $N=M+u$, à une distance $MN$ qui est la norme $||u||$ de ce vecteur.

Rassemblons les propriétés fondamentales de la norme euclidienne, et donc de la distance euclidienne, dans la proposition suivante :
Proposition 1.3
Si $u,v\in\mathbb R^2$ et $\lambda\in\mathbb R$, alors on a :
i) $||u||=0$ si et seulement si $u=0$
ii) $||\lambda.u||=|\lambda|.||u||$
iii) $||u+v||\leq ||u||+||v||$.
Démonstration
i) Soit $u=(x,y)$ : on a $||u||=0$ si et seulement si $||u||^2=0$, si et seulement si $x^2+y^2=0$, si et seulement si $x=y=0$.
ii) Avec les mêmes notations, on a $||u||^2=\sqrt{(\lambda x)^2+(\lambda y)^2}$ $=\sqrt{\lambda^2.(x^2+y^2)}=|\lambda|.\sqrt{x^2+y^2}$ $=|\lambda|.||u||$.
iii) En posant $v=(a,b)$ et en développant les expressions pour chaque norme, on obtient $(||u||+||v||)^2-||u+v||^2$ $=2.(\sqrt{(x^2+y^2)(a^2+b^2)}-xa-yb)$, et comme $a^2y^2+b^2x^2-2aybx=(ay-bx)^2$ est positif, on a $a^2y^2+b^2x^2$ $\geq 2axby$, d’où $a^2(x^2+y^2)+b^2(x^2+y^2)\geq x^2a^2+2xayb+y^2b^2=(xa+yb)^2$, et en prenant la racine carrée de chaque membre on obtient $xa+yb\leq |xa+yb|\leq \sqrt{(a^2+b^2)(x^2+y^2)},$ d’où $(||u||+||v||)^2-||u+v||^2\geq 0$, et finalement $||u||+||v||\geq ||u+v||$ en prenant à nouveau les racines carrées, puisque les normes sont positives. $\square$
Corollaire 1.4
Soient $M,N,P$ trois points de $\mathbb R^2$. On a :
i) $d(M,N)=0$ si et seulement si $M=N$
ii) $d(M,N)=d(N,M)$
iii) $d(M,P)\leq d(M,N)+d(N,P)$.
Démonstration
En exercice. $\square$
Si $M,N$ sont deux points du plan, nous noterons simplement $MN=d(M,N)$ la distance de $M$ à $N$, c’est-à-dire la norme commune $||\overrightarrow{MN}||=||\overrightarrow{NM}||$ des vecteurs $\overrightarrow{MN}$ et $\overrightarrow{NM}$.
1.1.1.Exercices de la section
Exercice 3.1.5
i) Démontrer les propriétés du corollaire 1.4.
ii) Calculer la valeur exacte de la distance euclidienne entre les points $M=(-7,\pi)$ et $N=(e,-15)$.
1.2.Produit scalaire
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