Dans la géométrie différentielle, l’analyse réelle et la géométrie euclidienne convergent vers une description infinitésimale des objets géométriques naturels, qui permet d’en étudier avec précision certains paramètres standard. Nous commençons avec l’étude des courbes tracées dans les espaces réels, qu’on étudie à partir de notions élémentaires de l’analyse réelle, la dérivation, la continuité et l’intégration.
1.Rappels : espaces réels et structure euclidienne naturelle
Nous appelons ici « espace réel » un espace euclidien de la forme $\mathbb R^n$, c’est-à-dire l’ensemble des $n$-uplets $(x_1,\ldots,x_n)$ de nombres réels pour un entier naturel $n>0$ fixé. Par exemple, si $n=2$ on a le plan euclidien $\mathbb R^2$, et si $n=3$ on a l’espace euclidien $\mathbb R^3$. Les éléments de $\mathbb R^n$ sont tantôt considérés comme des points ou comme des vecteurs, selon le contexte. Dans chaque espace réel $\mathbb R^n$, on dispose du produit scalaire $u\cdot v$ de deux vecteurs $u=(x_1,\ldots,x_n)$ et $v=(y_1,\ldots,y_n),$ défini par $u\cdot v=x_1y_1+x_2y_2+\ldots+x_ny_n=\sum_{i=1}^n x_iy_i$ (notation dite « indicielle »). On rappelle que la norme euclidienne $||u||$ du vecteur $u$ est la racine carrée du produit scalaire $u\cdot u$, c’est-à-dire $||u||=\sqrt{x_1^2+x_2^2+\ldots+x_n^2}=\sqrt{\sum_{i=1}^n x_i^2}$ et que la distance euclidienne $d(M,N)$ entre deux points $M=(a_1,\ldots,a_n)$ et $N=(b_1,\ldots,b_n)$ de $\mathbb R^n$ est la norme euclidienne du vecteur $\overrightarrow{MN}$, soit $d(M,N)=\sqrt{\overrightarrow{MN}\cdot\overrightarrow{MN}}=\sqrt{(b_1-a_1)^2+\ldots+(b_n-a_n)^2}=\sqrt{\sum_{i=1}^n (b_i-a_i)^2}$.
2.Courbes paramétrées et différentiables
2.1.Courbes paramétrées
Les propriétés de la droite réelle rendent possible la représentation des objets géométriques naturels et leur étude infinitésimale, c’est-à-dire leur description locale, « autour de chaque point ». Il s’agit de ce qu’on appelle la géométrie différentielle, et elle commence avec les objets géométriques réels les plus simples, c’est-à-dire les courbes dans le plan. Ces courbes devraient être des sous-ensembles du plan, mais il s’avère, comme la description mathématique du mouvement l’illustre d’ailleurs, que leur description peut se faire de deux manières : soit comme ensemble des solutions d’une équation (on parle de ligne de niveau), soit à partir d’un tracé (on parle de courbe paramétrée). Nous abordons ici d’abord ce deuxième cas, et alors les propriétés des courbes dépendent de la manière dont on les « trace », c’est-à-dire dont on les décrit comme des fonctions, et nous pouvons les définir ainsi dans n’importe quel espace réel en général.
Définition 1
Une courbe paramétrée dans un espace réel $\mathbb R^n$ est une fonction continue $f:I\to\mathbb R^n$ définie sur un intervalle réel $I$. On appelle support de $f$ l’image $f(I)$ de la courbe.
Exemple 1
i) La courbe paramétrée $f:t\in \mathbb R\mapsto (\cos^3 t,\sin^3 t)\in \mathbb R^2$ s’appelle une astroïde. Elle s’obtient en « faisant rouler » un cercle de rayon $1/4$ le long d’un cercle de rayon $1$ (voir la Figure 1).
ii) Pour toute fonction numérique continue $f:I\to \mathbb R$, le graphe de $f$, c’est-à-dire l’ensemble des couples $(x,y)\in I\times \mathbb R$ tels que $y=f(x)$, est le support d’une courbe paramétrée $g:t\in I\mapsto (t,f(t))\in \mathbb R^2$.
iii) La fonction cosinus hyperbolique $\cosh:\mathbb R\to \mathbb R_+^*$ est définie par $\cosh(x)=\exp(x)+\exp(-x)/2$ pour tout $x\in \mathbb R$. Si $a,b\in \mathbb R_+^*$, le graphe de la fonction $f:t\in [-b,b]\mapsto a.\cosh(t/a)$ représente ce qu’on appelle une « chaînette », correspondant à la forme que prend une chaîne suspendue à ses extrémités, ici $M_1=(-b,a.\cosh(b/a))$ et $M_2=(b,a.\cosh(b/a))$ puisque la fonction $\cosh$ est paire. Son graphe est paramétré par la fonction $g:t\in [-b,b]\mapsto (t,a.\cosh(t/a))$.
En faisant varier l’argument de la fonction $f$ dans l’intervalle $I$, on devrait décrire un objet de « dimension $1$ », c’est-à-dire une courbe, l’intuition sous-jacente étant que $I$ représente une durée et la fonction $f$ le tracé « dynamique » de la courbe. L’hypothèse de la continuité de $f$ est naturelle : elle suggère que l’intervalle $I$, qui par définition contient le segment $[a,b]$ joignant deux quelconques de ses points $a,b\in I$, est appliqué sur un « objet » géométrique qui contient également toujours une portion « continue » joignant les points $f(a)$ et $f(b)$. Une courbe paramétrée $f:I\to \mathbb R$ étant donnée, à chaque point $t\in I$ la fonction $f$ associe un point $f(t)=(x_1(t),\ldots,x_n(t))$ de $\mathbb R^n,$ de sorte qu’elle correspond à la donnée de $n$ fonctions continues $f_n:I\to\mathbb R$, avec $f_n(t)=x_n(t)$ pour tout $t\in I$. Les fonctions $f_n$ sont appelées fonctions coordonnées de $f$.

2.2.Vitesse d’une courbe différentiable
Si $f:I\to \mathbb R^n$ est une courbe paramétrée, la courbe « au sens géométrique » comme sous-ensemble de $\mathbb R^n$ est le support de $f$, c ‘est-à-dire son image comme fonction, ensemble statique des points de $\mathbb R^n$ de la forme $f(t)=(f_1(t),\ldots,f_n(t))$, pour $t\in I$. Mais la donnée de $f$ contient d’autres informations que l’objet géométrique $C$, et si l’intuition sous-jacente à $f$ est celle d’un « tracé dynamique » de $C$, la notion de vitesse du tracé apparaît naturellement. Ce paramètre ne peut toutefois être défini qu’à l’aide d’une hypothèse supplémentaire, à savoir que la fonction $f$ est dérivable :
Définition 2
Une courbe paramétrée $f:I\to \mathbb R^n$ est dite différentiable si elle est dérivable sur $I$, autrement dit si chaque fonction coordonnée $f_i:I\to \mathbb R$ est dérivable comme fonction d’une variable réelle.
Si donc $f$ est différentiable, par analogie avec la représentation mathématique du mouvement, on définit sa vitesse (instantanée) :
Définition 3
Si $f:I\to\mathbb R^n$ est une courbe paramétrée différentiable, la vitesse de $f$ en un point $t\in I$ est la dérivée $f'(t)=(f_1′(t),\ldots,f_n'(t))$ de $f$ en $t$.
Exemple 2
i) Le limaçon est la courbe différentiable $t\in \mathbb R\mapsto ((1+2\cos t)\cos t, (1+2\cos t)\sin t)$ (il suffit de la définir sur l’intervalle $[0,2\pi]$ par périodicité). Sa vitesse est $f'(t)=(-\sin t-2\sin 2t,\cos t+2\cos 2t)$, ce qui permet d’en esquisser le tracé (voir la figure 2).
ii) Si $f:I\to\mathbb R$ est une courbe différentiable, alors la fonction $g:t\in I\mapsto (t,f(t))$ qui décrit le graphe de $f$ est différentiable, de dérivée $g'(t)=(1,f'(t))$, c’est-à-dire en tout point $t$ le vecteur tangent au graphe de $f$ en $(t,f(t))$.
iii) La fonction cosinus hyperbolique $\cosh:\mathbb R\to \mathbb R_+^*$ de l’exemple 1 a pour dérivée la fonction sinus hyperbolique $\sinh:x\in \mathbb R\mapsto \exp(x)-\exp(-x)/2$, et les deux fonctions sont liées par la relation $\cosh^2 x-\sinh^2 x=1$. La dérivée de la fonction $f:t\in [-b,b]\mapsto a.\cosh(t/a)$ est donc $f’:t\mapsto \sinh(t/a)$, donc la tangente à la « chaînette » décrite par le graphe de $f$ au point $(t,f(t))$ est dirigée selon le vecteur $g'(t)=(1,\sinh(t/a))$.

3.Vitesse numérique et longueur d’un arc
3.1.Vitesse numérique d’une courbe différentiable
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