Les isométries vectorielles du plan sont les transformations linéaires qui préservent les distances, ou encore le produit scalaire, c’est-à-dire l’orthogonalité. Elles se caractérisent comme transformations linéaires qui préservent les bases orthonormées, et on les décrit de manière analytique (à partir des coordonnées), ce qui permet de les caractériser de manière élémentaire à partir de leur déterminant. Elles sont essentiellement de deux types : les rotations vectorielles (isométries directes, préservant l’orientation des bases) et les symétries vectorielles (isométries indirectes, changeant l’orientation des bases).
1.Isométries vectorielles du plan
1.1.Isométries vectorielles
Rappelons que la norme (euclidienne) d’un vecteur \(u=(x,y)\in\mathbb R^2\) du plan est le nombre réel \(||u||=\sqrt{x^2+y^2}\) : c’est l’amplitude (positive) de $u$ (voir Le produit scalaire naturel). La norme permet de mesurer les distances entre les points, puisque si $M,N\in\mathbb R^2,$ on définit la distance $MN$ comme la norme du vecteur $\overrightarrow{MN}.$ Une isométrie (vectorielle) du plan est alors une application qui préserve les distances, ou encore la taille des vecteurs, au sens suivant :
Définition 1
Une isométrie vectorielle est une application linéaire \(f:\mathbb R^2\to \mathbb R^2\) qui « préserve » la norme des vecteurs, autrement dit telle que pour tout vecteur $u$ de $\mathbb R^2$, on a $||f(u)||=||u||$.
Toute application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ étant de la forme $(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ (voir Description des applications linéaires), cette propriété s’interprète à partir des coordonnées comme suit. L’application $f$ est une isométrie exactement si et seulement si pour tout vecteur $u=(x,y)\in\mathbb R^2$, on a $||f(u)||=\sqrt{(ax+cy)^2+(bx+dy)^2}$ $=\sqrt{x^2+y^2}=||u||$, ou encore $(a^2+b^2)x^2+2(ab+cd)+(c^2+d^2)y^2$ $=(ax+by)^2+(cx+dy)^2=x^2+y^2$ par définition des racines carrées. En appliquant cette égalité aux vecteurs $i=(1,0)$ et $j=(0,1)$ ayant servi à décomposer l’application $f$, on obtient les égalités $a^2+b^2=c^2+d^2=1$ et $ab+cd=0$.
Réciproquement, donnons-nous une application linéaire $f:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (ax+cy,bx+dy)\in\mathbb R^2$ – de sorte que $f(i)=(a,b)$ et $f(j)=(c,d)$ – et supposons que les trois égalités précédentes sont vérifiées. Pour tout vecteur $u=(x,y)$ on a alors $||f(u)||^2=(a^2+b^2)x^2+2(ab+cd)xy+(c^2+d^2)y^2$ $=x^2+y^2=||u||^2$, si bien que $f$ est une isométrie :
Proposition 1
Une application linéaire $f:(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ est une isométrie vectorielle si et seulement on a $a^2+b^2=c^2+d^2=1$ et $(ab+cd)=0$.
1.2.Caractérisation par le produit scalaire
Evidemment, les isométries vectorielles sont aussi les transformations linéaires qui préservent la distance, au sens suivant : $f$ est une isométrie vectorielle si et seulement si pour tous points $M,N\in\mathbb R^2$ on a $MN=f(M)f(N).$ Cette caractérisation permet de généraliser la notion d’isométrie vectorielle aux transformations affines.
Il en existe toutefois une caractérisation purement algébrique à partir du produit scalaire, qui repose essentiellement sur la possibilité de recouvrer celui-ci à partir de la norme. En effet, pour tous vecteurs $u,v$ on a par définition $||u+v||^2=(u+v)\cdot (u+v)=|||u||^2+2u\cdot v+||v||^2,$ soit $u\cdot v= (1/2)[||u+v||^2-||u||^2-||v||^2].$ Les isométries vectorielles se caractérisent donc de la manière suivante :
Proposition 2
Une application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ est une isométrie vectorielle si et seulement si c’est une « transformation orthogonale », c’est-à-dire si pour tous vecteurs $u,v\in\mathbb R^2$ on a $f(u)\cdot f(v)=f(u\cdot v).$
Démontrons cette propriété. Supposons d’abord que $f$ préserve le produit scalaire, c’est-à-dire possède la propriété de l’énoncé, et soit $u\in\mathbb R^2$ : il vient $||f(u)||^2=f(u)\cdot f(u)=u\cdot u=||u||^2$, d’où $||f(u)||=||u||$ puisque ces nombres sont positifs et que la racine carrée est unique. Par conséquent, $f$ est bien une isométrie.
Réciproquement, supposons que $f$ est une isométrie, et soient $u,v\in \mathbb R^2$ : par le début de la section on a $2f(u)\cdot f(v)=||f(u)+f(v)||^2-||f(u)||^2-||f(v)||^2$ $=||f(u+v)||^2-||f(u)||^2-||f(v)||^2$ (puisque $f$ est linéaire) $=||u+v||^2-||u||^2-||v||^2$ (puisque $f$ est une isométrie) $=2u\cdot v,$ d’où $f(u)\cdot f(v)=u\cdot v$ en divisant aux deux membres par $2.$
1.3.Isométries vectorielles et bases orthonormées
Nous savons que les transformations linéaires du plan sont précisément les applications linéaires qui transforment toute base $(u,v)$ du plan en une autre base $(f(u),f(v)).$ Or, les isométries linéaires sont injectives, donc bijectives. En effet, si $f$ est une isométrie et $f(u)=0$ pour $u\in\mathbb R^2,$ on a $||u||=||f(u)||=0,$ donc $u=0$ par les propriétés de la norme euclidienne, et $f$ est donc injective, c’est-à-dire bijective dans ce cas. Soit alors $B=(u,v)$ une base orthonormée, c’est-à-dire telle que $||u||=||v||=1$ et $u\cdot v=0$ : comme $f$ est une isométrie, on a $||f(u)||=||u||=1=||v||=||f(v)||$ et $f(u)\cdot f(v)=u\cdot v=0,$ donc $(f(u),f(v))$ est une base orthonormée.
Réciproquement, si $f:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ est une application linéaire qui transforme toute base orthonormée en une base orthonormée, alors c’est vrai en particulier pour la base canonique $B=(i,j)$ avec $i=(1,0)$ et $j=(0,1).$ Cela signifie que le couple $(f(i),f(j))=(u,v)$ avec $u=(a,b)$ et $v=(c,d)$ est une base orthonormée, autrement dit que $a^2+b^2=1=c^2+d^2$ et $ac+bd=0.$ Mais par la proposition 1, cette propriété caractérise les isométries vectorielles, si bien que nous avons démontré :
Proposition 3
Une application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ est une isométrie si et seulement si elle transforme toute base orthonormée en une base orthonormée.
Ainsi, les isométries vectorielles sont précisément les transformations linéaires qui échangent les bases orthonormées, et qui donc préservent toute la structure « euclidienne » du plan.
2.Rotations vectorielles
2.1.Caractérisation des isométries par le déterminant
Si on considère la dualité entre points et vecteurs, intuitivement une isométrie vectorielle $f$ transforme un vecteur $u,$ pointant sur le cercle $C$ de centre $O=(0,0)$ et de rayon $||u||,$ en un vecteur $f(u)$ pointant sur le même cercle, puisque $||f(u)||=||u||.$ On pense ici aux rotations du plan autour du point $O,$ ainsi qu’aux symétries orthogonales par rapport à une droite passant par $O.$ Ces transformations sont en fait les deux seuls types d’isométries vectorielles du plan, ce que nous établirons à partir d’une caractérisation de celles-ci par leur déterminant.
Proposition 4
Si $f:\mathbb R^2\to \mathbb R^2$ est une isométrie vectorielle, alors elle est de la forme $(x,y)\in \mathbb R^2\mapsto (ax-by,bx+ay)$ ou bien $(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$, avec $a^2+b^2=1$. En particulier, le déterminant $ad-bc$ de $f$ est $1$ (premier cas) ou $-1$ (second cas).
Démontrons-le. Par la proposition 1, $f$ est de la forme $(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ avec $a^2+b^2=1=c^2+d^2$ et $ab+cd=0.$ Puisque $a^2+b^2=1,$ on a $a\neq 0$ ou $b\neq 0$ : si $a\neq 0,$ on a alors $c=-bd/a$, d’où $1=c^2+d^2=(b^2d^2)/a^2+d^2,$ d’où $d^2(a^2+b^2)=a^2,$ et finalement $d^2=a^2,$ c’est-à-dire $d=\pm a.$ Si $d=a$, alors $c=-bd/a=-ba/a=-b$, tandis que si $d=-a$, alors $c=-bd/a=ba/a=a$, et ce sont bien les deux cas de l’énoncé. Mais si $a=0,$ on a alors $b\neq 0,$ et $d=-ac/b=0,$ d’où aussi $b^2=1=c^2,$ c’est-à-dire $b,c=\pm 1.$ Si $b=c,$ alors $f$ est de la forme $(x,y)\mapsto (by,bx)$ et $det(f)=ad-bc=-1$ puisque $bc=1$ (second cas), tandis que si $b=-c,$ alors $f$ est de la forme $(x,y)\mapsto (by,-bx)$ et $det(f)=1$ puisque $bc=1$ (premier cas).
Par conséquent, l’identification analytique complète des isométries vectorielles permet, à partir de leur simple définition, de les caractériser comme transformations linéaires de deux types possibles.
2.2.Rotations vectorielles
Le premier type d’isométrie vectorielle que nous voulons considérer par la proposition 4 est celui des transformations linéaires de la forme $(x,y)\mapsto (ax-by,bx+ay)$ de déterminant $1.$
Définition 2
Une rotation (vectorielle) du plan est une transformation linéaire du plan de la forme $r:(x,y)\mapsto (ax-by,bx+ay)$ avec $a^2+b^2=1.$
Les rotations vectorielles correspondent précisément à ce que l’intuition suggère : pour tout vecteur non nul $u=(x,y),$ la rotation de la définition fait « tourner » $u$ autour de l’origine, pour l’envoyer sur un vecteur $v=r(u)$ de même norme. Mais l’intuition est visuelle, et sa traduction doit se conformer à des points de repère mathématiques. Or, nous avons décrit le plan euclidien comme le produit cartésien $\mathbb R^2$; il faut donc recouvrer les éléments de l’intuition par une approche analytique, et c’est ce que nous avons fait avec la notion d’isométrie. Et puisque l’intuition suggère que les rotations sont des isométries, elles doivent donc être définies comme telles, et nous les identifions aux isométries de déterminant $1$ parce qu’elles préservent l’orientation.
Exemple 1
i) La symétrie centrale $(x,y)\mapsto (-x,-y)$ est en fait une rotation vectorielle, si on pose $a=-1$ et $b=0.$ C’est la rotation d’angle $\pi.$
ii) Si $p$ est un nombre réel, alors $(\cos p,\sin p)$ est un point du cercle trigonométrique, donc on a $\cos^2p+\sin^2p=1,$ et l’application $r:(x,y)\mapsto (x\cos p-y\sin p,x\sin p+y\cos p)$ est une rotation vectorielle d’angle déterminé par le point $(\cos p,\sin p).$ En particulier, si $p=\pi/6,$ la rotation $r$ vaut $r(x,y)=(x\sqrt 3/2-y/2,x/2+y\sqrt 3/2)$ pour tous $(x,y).$
iii) De même, pour $p=-\pi/3,$ on a la rotation $r:(x,y)\mapsto (x/2+y\sqrt 3/2,-y\sqrt 3/2+x/2),$ puisque $\cos -\pi/3=1/2$ et $\sin -\pi/3=-\sqrt 3/2.$

2.3.Propriétés des rotations vectorielles
On démontre facilement que si $r$ est une rotation vectorielle, alors sa transformation inverse $r^{-1}$ est aussi une rotation vectorielle. On démontre aussi que la composition $r’\circ r$ de deux rotations vectorielles $r,r’$ est une rotation vectorielle, et que $r’\circ r=r\circ r’.$ La propriété fondamentale des rotations vectorielles, qui permet de définir proprement les angles de vecteurs, est la suivante :
Proposition 5
Si $u$ et $v$ sont deux vecteurs non nuls et de même norme, alors il existe une unique rotation vectorielle $r$ telle que $r(u)=v.$
En effet, si nous notons $u=(a,b)$ et $v=(c,d),$ nous cherchons une rotation $r:(x,y)\mapsto (px-qy,qx+py)$ telle que $r(a,b)=(c,d).$ En particulier, les nombres réels $p$ et $q$ doivent vérifier le système suivant :
$$\left\{\begin{array}{c} pa-qb=c\\qa+pb=d,\end{array}\right.$$
dont le déterminant est $a^2+b^2=||u||^2\neq 0,$ et possède donc une unique solution $(p,q)$. On montre alors que la rotation $r$ définie avec cette solution vérifie bien $r(u)=v.$ On peut d’ailleurs calculer explicitement $p$ et $q$ en général, on a $p=(u\cdot v)/||u||^2=(ac+bd)/(a^2+b^2),$ et $q=det(u,v)/||u||^2=(ad-bc)/(a^2+b^2).$
Enfin, l’intuition suggère également que, contrairement aux symétries par rapport à un axe, qui fixent tous les points de l’axe, les rotations vectorielles différentes de l’application identique ne devraient laisser aucun autre point fixe que l’origine :
Corollaire 3
Si $r$ est une rotation vectorielle différente de l’application $Id:(x,y)\mapsto (x,y),$ alors pour tout $u\neq 0$ on a $r(u)\neq u.$
3.Symétries vectorielles
3.1.Symétries orthogonales par rapport à une droite vectorielle
Le deuxième type d’isométrie vectorielle que nous devons considérer est celui donné dans la proposition 4 par les transformations linéaires de la forme $f:(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay),$ avec $a^2+b^2=1$ et $det(f)=-1,$ qui sont donc celles qui renversent l’orientation des bases orthonormées, c’est-à-dire du plan.
Définition 3
Une symétrie vectorielle est une transformation linéaire de la forme $s:(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$ avec $a^2+b^2=1.$
Nous avons identifié a priori ce second type d’isométrie avec l’intuition des symétries par rapport à une droite vectorielle, mais nous devons le faire de manière rigoureuse, c’est-à-dire ici analytique. On montre sans difficulté que ces symétries tombent sous ce concept :
Proposition 6
Si $s$ est une symétrie orthogonale par rapport à une droite vectorielle $D,$ alors $s$ est une symétrie vectorielle.
En effet, si $u=(a,b)$ est un vecteur directeur de norme $1$ de la droite $D,$ on montre que $s$ est décrite par $s(x,y)=((a^2-b^2)x+2aby,2abx-(a^2-b^2)y)$ pour tout $(x,y)\in\mathbb R^2.$ En posant $p=a^2-b^2$ et $q=2ab,$ il vient $p^2+q^2=a^4-2a^2b^2+b^4+4a^2b^2$ $=a^4+2a^2b^2+b^4=(a^2+b^2)^2=1,$ donc $s$ est une symétrie vectorielle.
Exemple 2
i) La symétrie orthogonale par rapport à la droite d’équation $y=0$ (axe des abscisses) est l’application $s:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (x,-y).$ C’est une symétrie vectorielle (de la forme $(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$ avec $a=1, b=0$), de même que la symétrie orthogonale conjuguée $s’:(x,y)\mapsto (-x,y)$ par rapport à la droite d’équation $x=0$ (axe des ordonnées).
ii) Si $p$ est un nombre réel, de manière analogue à l’exemple 2 l’application $s:(x,y)\mapsto (x\cos p+y\sin p,x\sin p-y\cos p)$ est une symétrie orthogonale, et donc une symétrie vectorielle.
3.2.Caractérisation des symétries vectorielles du plan
Nous avons après tout défini les symétries vectorielles par une condition purement analytique. Est-ce que, inversement, toute symétrie vectorielle est de cette forme ? C’est le cas, et sans passer ici par la réduction des endomorphismes, artillerie un peu lourde pour des fonctions de deux variables, nous pouvons le démontrer de manière élémentaire.
Soit en effet une symétrie vectorielle $s:(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$ : on a $a^2+b^2=1,$ et l’intuition sous-jacente attachée aux symétries orthogonales est qu’elles laissent fixe une droite vectorielle, leur axe de symétrie. Nous voulons donc montrer ici que $s$ est la symétrie orthogonale par rapport à la droite vectorielle $D=\{u\in\mathbb R^2 : s(u)=u\},$ c’est-à-dire l’application qui laisse fixe $D$ et transforme tout vecteur $v$ de $D^\bot,$ la droite orthogonale à $D,$ en $-v.$ Si $a=1,$ on a $s(x,y)=(x,-y)$ pour tout $(x,y),$ c’est bien la symétrie orthogonale par rapport à la droite d’équation $y=0,$ d’orthogonale la droite d’équation $x=0$ (exemple 2).
Si $a\neq 1,$ vérifions que $D$ est une droite vectorielle : pour tout vecteur $u,$ on a $s(u)=u$ si et seulement si $ax+by=x$ et $bx-ay=y,$ système d’équations équivalent à $(a-1)x+by=0,$ équation cartésienne pour une droite vectorielle $D.$ On en tire immédiatement un vecteur directeur de $D^\bot,$ soit $v=(a-1,b).$ Mais on a par définition $s(v)=(a(a-1)+b^2,b(a-1)-ab)=(1-a,-b)=-v,$ donc $s$ échange tout vecteur $w$ de $D^\bot$ en $-w.$ Puisqu’elle laisse fixe toute vecteur de $D$ par définition, c’est la symétrie orthogonale par rapport à $D$ :
Proposition 7
Pour tous réels $a,b$ tels que $a^2+b^2=1,$ la symétrie vectorielle $(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$ est la symétrie orthogonale par rapport à la droite vectorielle d’équation $D: y=0$ si $a=1,$ d’équation $D:(a-1)x+by=0$ si $a\neq 1.$
La droite vectorielle $D$ par rapport à laquelle une symétrie vectorielle $s:(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$ est la symétrie orthogonale coupe le cercle unité en deux points opposés $M$ et $N,$ qu’il peut être utile de connaître pour déterminer l’axe $D.$ Si $a=1,$ ces points sont évidemment $M=(1,0)$ et $N=(-1,0).$ Mais si $a\neq 1,$ le point $M=(x,y)$ vérifie à la fois $x^2+y^2=1$ et $(a-1)x+by=0,$ d’où $(a-1)^2x^2=by^2,$ soit en substituant $y^2=(1-a)/2.$ La valeur positive $\sqrt{(1-a)/2}$ de $y$ donne $x=b/2\sqrt{1-a}$ par l’équation de la droite $D,$ d’où $M=(b/2\sqrt{1-a},\sqrt{(1-a)/2})$ et $N=(-b/2\sqrt{1-a},-\sqrt{(1-a)/2}).$
Exemple 3
i) Si $p$ est un nombre réel, la symétrie $s:(x,y)\mapsto (x\cos p+y\sin p,x\sin p-y\cos p)$ de l’exemple 2 est la symétrie orthogonale par rapport à la droite $D$ d’équation cartésienne $(\cos p-1)x+(\sin p)y=0,$ qui coupe le cercle trigonométrique aux points :
– $M=(1,0)$ et $N=(-1,0)$ si $p\equiv 0$ modulo $2\pi$
– $M=(\sin q/2\sqrt{1-\cos p},\sqrt{(1-\cos p)/2})$ et $N=(-b/2\sqrt{1-\cos p},-\sqrt{(1-\cos p)/2})$ si $p\not\equiv 0$ modulo $2\pi.$
On démontre que $D$ est la bissectrice de l’angle déterminé par $p.$
ii) Par exemple, si $p=\pi/6$ on a la symétrie orthogonale $s:(x,y)\mapsto (x\sqrt 3/2+y/2,x/2-y\sqrt 3/2)$ par rapport à la droite vectorielle d’équation $(\sqrt 3-2)x+y=0.$ Pour $p=-\pi/3,$ on a la symétrie orthogonale $s’:(x,y)\mapsto (x/2-\sqrt 3/2,-x\sqrt 3/2-y/2)$ par rapport à la droite vectorielle d’équation $x+y\sqrt 3=0.$

3.3.Composition des isométries vectorielles
Les isométries vectorielles étant des transformations linéaires de déterminant $1$ ou $-1$ par la proposition 4, la composition $g\circ f$ de deux isométries vectorielles $f$ et $g$ est de déterminant $det(g\circ f)=det(g).det(f)=\pm 1,$ donc c’est encore une isométrie vectorielle. En particulier, nous avons déjà évoqué que la composition de deux rotations $r,r’$ est une rotation, puisque $det(r’\circ r)=det(r’).det(r)=1.1=1.$ De même, si $s,s’$ sont deux symétries vectorielles on a $det(s’\circ s)=det(s’).det(s)=(-1).(-1)=1,$ c’est donc une rotation vectorielle. En revanche, les compositions $s\circ r$ et $r\circ s$ d’une rotation et d’une symétrie, dans un sens ou dans l’autre, sont pour les mêmes raisons des symétries.
En donnant une description explicite de $r,r’,s,s’,$ on peut d’ailleurs donner une description explicite de leurs composées, et on démontre par exemple de cette manière que $r’\circ r=r\circ r’,$ mais qu’en général on a $s’\circ s\neq s\circ s’$ si $s\neq s’$ : les rotations commutent entre elles, mais les symétries ne commutent pas entre elles. Pour le démontrer, nous allons établir d’abord qu’en général on n’a pas non plus $s\circ r=r\circ s,$ ce qu’on peut constater en calculant la conjugaison de $r$ par $s,$ c’est-à-dire la composée $s\circ r\circ s^{-1}.$ Remarquons d’abord que $s^{-1}=s$ par la proposition 7, puisqu’une symétrie orthogonale par rapport à une droite vectorielle vérifie évidemment $s^2=Id.$ Remarquons ensuite que si $r:(x,y)\mapsto (ax-by,bx+ay),$ alors par la formule d’inversion des transformations linéaires on a $r^{-1}(x,y)=(ax+by,-bx+ay)$ pour tout $(x,y).$ En notant $s:(x,y)\mapsto (a’x+b’y,b’x-a’y),$ on a alors la formule suivante :
Proposition 8
La composée $s\circ r\circ s$ est la rotation $r^{-1}.$
Nous pouvons le démontrer ici de manière analytique, c’est-à-dire par le calcul : pour tout $(x,y)\in\mathbb R^2,$ on a $(s\circ r\circ s)(x,y)=s(r(a’x+b’y,b’x-a’y))$ $=s(a(a’x+b’y)-b(b’x-a’y),b(a’x+b’y)+a(b’x-a’y))$ $=s(x(aa’-bb’)+y(ab’+ab’),x(ab’+a’b)-y(aa’-bb’))$ $=(a'[x(aa’-bb’)+y(ab’+a’b)]+b'[x(ab’+a’b)-y(aa’-bb’)],$ $b'[x(aa’-bb’)+y(ab’+a’b)]-a'[x(ab’+a’b)-y(aa’-bb’)])$ $=(ax+by,-bx+ay)=r^{-1}(x,y),$ d’où l’égalité $s\circ r\circ s=r^{-1}.$
3.4.Commutation des symétries vectorielles
Puisque $s=s^{-1},$ on en déduit que $s\circ r\circ s^{-1}=r^{-1}$ : si donc on avait $s\circ r=r\circ s,$ en composant à droite par $s^{-1}$ il viendrait $r^{-1}=s\circ r\circ s^{-1}=r,$ ce qui n’est possible que si $r=Id.$ En effet, dans le cas contraire et avec les mêmes notations on a $a\neq 1,$ donc $b\neq 0,$ de sorte que $r(1,0)=(a,b)$ et $r^{-1}(1,0)=(a-b),$ donc $r\neq r^{-1}$ et $s\circ r\neq r\circ s$ :
Corollaire 4
Une symétrie vectorielle $s$ ne commute avec une rotation vectorielle $r$ que si $r=Id$ est la fonction identique.
Exemple 4
Soient la rotation vectorielle $r:(x,y)\mapsto (x\sqrt 3/2-y/2,x/2+y\sqrt 3/2)$ d’angle $\pi/6,$ et la symétrie vectorielle $s:(x,y)\mapsto (-x\sqrt 2/2+y\sqrt 2/2,x\sqrt 2/2+y\sqrt 2/2)$ d’axe $D:(1+\sqrt 2)x-y\sqrt 2=0.$ La composée $r\circ s$ est la symétrie $(x,y)\mapsto (-1/4).(x(\sqrt 6+\sqrt 2)+y(\sqrt 2-\sqrt 6),x(\sqrt 2-\sqrt 6)-y(\sqrt 6+\sqrt 2)),$ d’axe $D_1: (\sqrt 6+\sqrt 2-1)x+(\sqrt 2-\sqrt 6)y=0,$ tandis que la composée $s\circ r$ est la symétrie $(x,y)\mapsto (1/4).(x(\sqrt 2-\sqrt 6)+y(\sqrt 6+\sqrt 2),x(\sqrt 6+\sqrt 2)-y(\sqrt 2-\sqrt 6)),$ d’axe $D_2: (\sqrt 2-\sqrt 6-1)x+(\sqrt 2+\sqrt 6)y=0.$
Soient alors à nouveau $s,s’$ deux symétries vectorielles : leur composée $s’\circ s$ est une rotation vectorielle, que nous notons $r.$ Par associativité de la composition des fonctions, on a alors $s\circ s’=(s\circ s’)\circ Id$ $=(s\circ s’)\circ (s\circ s)=s\circ (s’\circ s) \circ s$ $=s\circ r\circ s=r^{-1},$ par la proposition 8. Ainsi, le changement d’ordre de la composition des symétries « renverse » le résultat :
Corollaire 5
Si $s,s’$ sont deux symétries vectorielles, alors on a $(s\circ s’)=(s’\circ s)^{-1}.$
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