Nous explorons la fondation de l’arithmétique naturelle en partant des axiomes de Peano au sein de la théorie des ensembles, révélant une approche innovante pour conceptualiser les nombres entiers naturels. Nous questionnons l’usage traditionnel des ordinaux et proposons une formulation alternative de l’axiome de l’infini, qui repose sur la notion élémentaire d’ensemble héréditaire plutôt que sur des structures ordinales complexes. Cette reformulation nous permet d’établir une équivalence logique essentielle, celle de l’axiome de l’infini dans sa formulation en termes de classe des ordinaux finis, et l’existence d’un ensemble héréditaire, version ensembliste de l’axiome sans théorie des ordinaux et sans recours à l’axiome du choix. En reconstruisant ainsi l’arithmétique de Peano, nous avançons vers une compréhension plus intuitive et moins contrainte des fondements mathématiques, en alignement avec les visions de Georg Cantor et Gottlob Frege sur l’unification des mathématiques à travers la logique et la théorie des ensembles.
1.Fonder l’arithmétique naturelle dans la théorie des ensembles
Si la théorie des ensembles doit servir de fondement pour toutes les mathématiques, alors il doit être possible d’y inscrire la première et la plus élémentaire des disciplines mathématiques : l’arithmétique ou théorie des nombres. Or, comme pour toutes les autres sciences, et la mathématique elle-même dans son ensemble, l’arithmétique ne peut être fondée que sur des principes indémontrables.
Ceux que l’histoire a retenus pour leur simplicité et leur puissance sont les trois axiomes dits de Peano, que nous voulons reproduire ici sous une forme particulière. Lorsque nous avons construit l’arithmétique naturelle à partir de ces axiomes, nous avons en effet admis l’existence d’un ensemble $\mathbb N$ de tous les nombres entiers naturels, et énoncé les postulats fondamentaux concernant la fonction successeur $s:\mathbb N\to \mathbb N$ qui associe à un entier $n$ l’entier suivant $s(n)=n+1.$
Or, sur le plan de la théorie des ensembles, c’est l’existence même de cet ensemble $\mathbb N,$ muni de la fonction $s$ avec ces propriétés, qui est problématique. Nous réintroduisons donc ce cadre axiomatique d’une manière plus radicale, comme suit :
Définition 1
Une réalisation de l’arithmétique de Peano est un triplet $(E,*,f)$ formé d’un ensemble $E,$ d’un élément $*$ de $E$ et d’une fonction $f:E\to E,$ et possédant les propriétés suivantes :
i) $*$ n’est pas dans l’image de $f$
ii) $f$ est injective (si $x,y\in E$ et $f(x)=f(y),$ alors $x=y$)
iii) $f$ est « inductive » : pour toute partie $S$ de $E$ telle que $*\in S$ et $f(x)\in S$ dès que $x\in S,$ alors $S=E.$
Cette définition, où l’on reconnaît les axiomes de Peano pour $E=\mathbb N,$ $*=0$ et $f=s,$ considère implicitement que ces propriétés axiomatiques, et donc l’arithmétique naturelle et toutes les mathématiques classiques, ne dépendent pas des éléments particuliers de l’ensemble $\mathbb N$ que sont les entiers naturels de l’intuition.
Autrement dit, c’est la « ‘structure externe » d’une telle réalisation qui importe ici. Puisque la formation de l’ensemble $\mathbb N$ ne va pas de soi en théorie des ensembles, afin de reconstruire l’arithmétique naturelle comme clef de voûte de l’édifice mathématique nous devons admettre que l’arithmétique de Peano est consistante, c’est-à-dire qu’il en existe une réalisation, soit un triplet $(E,*,f)$ tel que dans la Définition 1 !
2.La réalisation de l’arithmétique de Peano par les ordinaux finis
Ceci étant dit, en théorie des ensembles nous disposons d’une « représentation » standard des nombres entiers naturels comme ordinaux finis. A priori, ces ordinaux qui sont les ensembles de la forme $\mathbf 0=\emptyset,$ $\mathbf 1=\{\emptyset\}=\{\mathbf 0\},$ $\mathbf 2=\{\emptyset,\{\emptyset\}\}=\{\mathbf 0,\mathbf 1\}\ldots$ forment une classe qu’on note $\omega$ (« omega »).
Or, on définit une fonction « successeur » naturelle $s$ de $\omega$ dans $\omega$ en posant $s(\mathbf n):=\mathbf n\cup\{\mathbf n\},$ de sorte que pour tout ordinal fini $\mathbf n,$ on a toujours $\mathbf{n+1}:=s(\mathbf n)=\{\mathbf 0,\mathbf 1,\ldots,\mathbf n\}$ (un ordinal fini est toujours l’ensemble des ses « prédécesseurs »).
On démontre alors de manière élémentaire que la fonction $s:\omega\to\omega$ possède les propriétés énoncés comme axiomes de Peano à la définition 1, avec $*=\emptyset.$ Autrement dit, avec les ordinaux finis on dispose quasiment d’une réalisation de l’arithmétique de Peano, à ceci près que nous ne savons pas si la classe $\omega$ est un ensemble. C’est pourquoi l’arithmétique naturelle est classiquement refondée en théorie des ensembles sur l’axiome qui énonce précisément cette propriété, à savoir l’axiome de l’infini, selon lequel il existe un ordinal infini, et nous énonçons ici sous une forme qui convient à la théorie naturelle des ensembles :
Axiome de l’Infini (version ordinale)
La classe $\omega$ des ordinaux finis est un ensemble.

Ainsi, en théorie des ensembles on reconstruit même l’arithmétique à travers l’ensemble $\omega$ qu’on peut identifier à l’ensemble $\mathbb N$ des entiers de l’intuition. A partir des autres axiomes de la théorie, on recouvre également toutes les mathématiques connues, puisque les ensembles fondamentaux de nombres se reconstruisent eux-mêmes à partir de l’ensemble $\mathbb N,$ et que la théorie contient tous les procédés qui permettent de développer la science mathématique à partir de ceux-ci.
Mais on peut aussi démontrer que l’axiome de l’infini est équivalent à la consistance de l’arithmétique de Peano : la classe $\omega$ est un ensemble si et seulement si il existe une réalisation $(E,*,f)$ de l’arithmétique au sens de la Définition 1. En d’autres termes, la refondation de la mathématique sur cette version de l’axiome de l’infini n’est qu’une option, même si elle est naturelle et commode en ce qu’elle s’appuie sur une classe dont nous connaissons déjà les éléments.
3.L’axiome du choix et les limites de l’approche ordinale
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