Les transformations linéaires du plan euclidien sont les applications linéaires inversibles, c’est-à-dire de déterminant non nul. Elles permettent de passer d’une base du plan à une autre, et les transformations orthogonales, c’est-à-dire les isométries vectorielles, échangent les bases orthonormées.
1. Les transformations linéaires du plan
1.1.Applications linéaires
Rappelons que les éléments du plan euclidien $\mathbb R^2$ peuvent se concevoir soit comme des points, soit comme des vecteurs. Les applications linéaires sont alors les fonctions de $\mathbb R^2$ dans lui-même qui « préservent la structure vectorielle » au sens suivant :
Définition 1
Une application linéaire est une fonction \(f:\mathbb R^2\to \mathbb R^2\), qui « préserve l’addition et la multiplication par une constante sur chaque coordonnée », autrement dit telle que pour tous vecteurs $u,v\in\mathbb R^2$ et tous nombres réels $a,b$, on a $f(a.u+b.v)=a.f(u) + b.f(v)$.
Autrement dit, si \(u=(x,y),v=(x’,y’)\in\mathbb R^2\) sont écrits avec leurs coordonnées, on exige que pour tous nombres réels \(a,b\in\mathbb R\), la fonction $f$ vérifie $f(a.(x,y)+b.(x’,y’))$ $=a.f(x,y)+b.f(x’,y’)$ (on rappelle que l’addition des vecteurs est définie par $u+v=(x,y)+(x’,y’)=(x+x’,y+y’)$ et la multiplication d’un vecteur par un nombre réel par \(a.(x,y)=(a.x,a.y)\)).
Exemple 1
Si $a$ est un nombre réel, une homothétie de rapport $a$ est une fonction $f$ qui multiplie tout vecteur $u=(x,y)$ du plan par $a$, de sorte que $f(u)=(ax,ay)$ : c’est l’exemple le plus simple d’application linéaire.
1.2. Description analytique des applications linéaires
Une application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ est toujours de la forme \(f(x,y)=(ax+by,cx+dy)\), pour des nombres réels \(a,b,c,d\) uniquement déterminés. Démontrons-le : si on note \(f(1,0)=(a,c)\) et \(f(0,1)=(b,d)\), pour un vecteur quelconque \((x,y)\in\mathbb R^2\) on a, par linéarité, $f(x,y)=f(x.(1,0)+y.(0,1))$ $=x.f(1,0)+y.f(0,1)$ $=(ax,cx)+(by,dy)=(ax+by,cx+dy).$ Ainsi, les valeurs prises par une application linéaire \(f\) du plan sont entièrement déterminées par les valeurs de \(f\) sur les vecteurs \(\vec i=(1,0)\) et \(\vec j=(0,1)\) de la base canonique.
De plus, cette représentation est unique, au sens où les coefficients \(a,b,c,d\) sont uniquement déterminés par \(f\) elle-même. En effet, si on suppose que \(a’,b’,c’,d’\in\mathbb R\) et que \(f\) est décrite par \(f(x,y)=(a’x+b’y,c’x+d’y)\) pour tout \((x,y)\in\mathbb R^2\), en particulier on a \(f(1,0)=(a’,c’)\) et \(f(0,1)=(b’,d’)\), d’où \(a=a’,b=b’,c=c’\) et \(d=d’\). Or, la possibilité de cette description est essentiellement liée à la notion de base du plan euclidien, et on peut interpréter, comme nous le verrons, le « passage » d’une base à une autre en termes de transformations linéaires, c’est-à-dire d’applications linéaires bijectives.
1.3. Déterminant et transformations linéaires
On appelle transformation linéaire du plan toute application linéaire bijective du plan euclidien $\mathbb R^2$ dans lui-même.
Rappelons que deux vecteurs $u=(a,b)$ et $v=(c,d)$ du plan euclidien forment une base si et seulement la quantité $ad-bc,$ appelée déterminant de $u$ et $v,$ est non nulle. Par extension, cette notion convient aux applications linéaires :
Définition 2
Si $f:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ est une application linéaire, le déterminant de $f,$ notée $det(f),$ est celui des vecteurs $f(1,0)=(a,b)$ et $f(,1)=(c,d),$ c’est-à-dire le nombre réel $ad-bc.$
L’importance essentielle du déterminant réside dans la propriété suivante :
Proposition 1
Une application linéaire $f:(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ est bijective si et seulement si son déterminant $ad-bc$ n’est pas nul.
Pour le démontrer, décrivons \(f\) à partir des vecteurs \(u=(a,c)\) et \(v=(b,d)\). Pour tout vecteur \((x,y)\in\mathbb R^2\), on a \(f(x,y)=(ax+cy,bx+dy)=x.u+y.v\). Or, $f$ est bijective, par définition, si et seulement si pour tout vecteur $w\in\mathbb R^2$ il existe des nombres réels $x,y$ uniques tels que $w=f(x,y)=x.u+y.v.$ Mais ceci énonce précisément que $u$ et $v$ forment une base du plan, c’est-à-dire que $det(u,v)=det(f)\neq 0.$
2. Changement de base et transformations linéaires
2.1. Les bases du plan correspondent à des bijections linéaires
Reprenons le point de vue des bases du plan. Un couple de vecteurs \((\vec u=(a,c),\vec v=(b,d))\) définit alors implicitement l’application linéaire \(f:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (ax+by,cx+dy)\). A partir du paragraphe précédent, on peut maintenant dire que le couple \((\vec u,\vec v)\) est une base du plan si et seulement si l’application associée \(f\) est bijective. Il existe donc une relation essentielle entre les transformations linéaires du plan et les bases du plan, capturée par le déterminant \(ad-bc\) de l’application \(f\). Or, puisque la base canonique \((\vec i,\vec j)\) est celle dans laquelle les coordonnées de \(\vec w=(x,y)\) sont précisément \(x\) et \(y\), ceci signifie que lorsque \((\vec u,\vec v)\) est une base, la bijection linéaire \(f\) décrit en quelque sorte le passage de la base canonique à la base \((\vec u,\vec v)\).
2.2. Les isomorphismes linéaires transforment les coordonnées
Pour donner un sens précis à cette idée, changeons encore de point de vue. Lorsque \((\vec u,\vec v)\) est une base, l’application \(f\) est bijective donc pour tout vecteur \(\vec w=(x,y)\in\mathbb R^2\) il existe un unique couple \((\alpha,\beta)\in\mathbb R^2\) tel que \(\vec w=\alpha.\vec u+\beta.\vec v\). De ce point de vue, les nombres \(\alpha\) et \(\beta\) sont en fait les coordonnées du même vecteur \(\vec w\) dans la nouvelle base \((\vec u,\vec v)\). Autrement dit, une application linéaire bijective \(f\) associée à une base \(B=(\vec u,\vec v)\) sert à transformer les coordonnées d’un vecteur dans la base canonique dans les coordonnées de ce même vecteur dans la base \(B\). En fait, par définition les nouvelles coordonnées \((\alpha,\beta)\) du vecteur \(\vec w=(x,y)\) dans la nouvelle base sont précisément données par la bijection réciproque de \(f\), c’est-à-dire \((\alpha,\beta)=f^{-1}(x,y)\).
2.3. Passage d’une base quelconque à une autre
Cette interprétation d’une transformation linéaire \(f\) associée à une base \(B=(\vec u,\vec v)\) comme « passage » de la base canonique à la base \(B\) peut être généralisée à deux bases quelconques. Si \(B’=(\vec{u’},\vec{v’})\) est une autre base, et si on note \(C=(\vec i,\vec j)\) la base canonique, appelons \(f:(x,y)\mapsto (ax+by,cx+dy)\) la transformation associée à \(B\) et \(f’:(x,y)\mapsto (a’x+b’y,c’x+d’y)\) la transformation associée à \(B’\), de sorte que \(\vec{u’}=(a’,c’)\) et \(\vec{v’}=(b’,d’)\). La transformation linéaire permettant de passer de la base \(B\) à la base \(B’\) est alors l’application composée \(f’\circ f^{-1}\) : on « passe » d’abord de \(B\) à \(C\) (dans l’ordre inverse du passage de \(C\) à \(B\)), puis on passe de \(C\) à \(B’\).
Pour décrire explicitement cette transformation, décrivons la bijection réciproque \(f^{-1}\) : nous devons résoudre le système \[\left\lbrace\begin{array}{cc} x’ = ax + by\\y’ = cx + dy\end{array}\right.\] en \(x\) et en \(y\). En notant \(\Delta=ad-bc\) le déterminant de \(f\), on obtient $$f^{-1}(x’,y’)=(\frac{1}{\Delta}(dx’-by’),\frac{1}{\Delta}(ay’-cx’)).$$ Ainsi la transformation linéaire associée au passage de la base \(B\) à la base \(B’\) est $f’\circ f^{-1}:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto$ $ \frac{1}{\Delta}(a’dx-a’by+b’ay-b’cx,$ $c’dx-c’dy+d’cy-d’cx).$
2.4. Transformation linéaire d’une base du plan
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