Les isométries vectorielles du plan sont les transformations linéaires qui préservent les distances, ou encore le produit scalaire, c’est-à-dire l’orthogonalité. Elles se caractérisent comme transformations linéaires qui préservent les bases orthonormées, et on les décrit de manière analytique (à partir des coordonnées), ce qui permet de les caractériser de manière élémentaire à partir de leur déterminant. Elles sont essentiellement de deux types : les rotations vectorielles (isométries directes, préservant l’orientation des bases) et les symétries vectorielles (isométries indirectes, changeant l’orientation des bases).
1.Isométries vectorielles du plan
1.1.Isométries vectorielles
Rappelons que la norme (euclidienne) d’un vecteur \(u=(x,y)\in\mathbb R^2\) du plan est le nombre réel \(||u||=\sqrt{x^2+y^2}\) : c’est l’amplitude (positive) de $u$ (voir Le produit scalaire naturel). La norme permet de mesurer les distances entre les points, puisque si $M,N\in\mathbb R^2,$ on définit la distance $MN$ comme la norme du vecteur $\overrightarrow{MN}.$ Une isométrie (vectorielle) du plan est alors une application qui préserve les distances, ou encore la taille des vecteurs, au sens suivant :
Définition 1
Une isométrie vectorielle est une application linéaire \(f:\mathbb R^2\to \mathbb R^2\) qui « préserve » la norme des vecteurs, autrement dit telle que pour tout vecteur $u$ de $\mathbb R^2$, on a $||f(u)||=||u||$.
Toute application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ étant de la forme $(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ (voir Description des applications linéaires), cette propriété s’interprète à partir des coordonnées comme suit. L’application $f$ est une isométrie exactement si et seulement si pour tout vecteur $u=(x,y)\in\mathbb R^2$, on a $||f(u)||=\sqrt{(ax+cy)^2+(bx+dy)^2}$ $=\sqrt{x^2+y^2}=||u||$, ou encore $(a^2+b^2)x^2+2(ab+cd)+(c^2+d^2)y^2$ $=(ax+by)^2+(cx+dy)^2=x^2+y^2$ par définition des racines carrées. En appliquant cette égalité aux vecteurs $i=(1,0)$ et $j=(0,1)$ ayant servi à décomposer l’application $f$, on obtient les égalités $a^2+b^2=c^2+d^2=1$ et $ab+cd=0$.
Réciproquement, donnons-nous une application linéaire $f:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (ax+cy,bx+dy)\in\mathbb R^2$ – de sorte que $f(i)=(a,b)$ et $f(j)=(c,d)$ – et supposons que les trois égalités précédentes sont vérifiées. Pour tout vecteur $u=(x,y)$ on a alors $||f(u)||^2=(a^2+b^2)x^2+2(ab+cd)xy+(c^2+d^2)y^2$ $=x^2+y^2=||u||^2$, si bien que $f$ est une isométrie :
Proposition 1
Une application linéaire $f:(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ est une isométrie vectorielle si et seulement on a $a^2+b^2=c^2+d^2=1$ et $(ab+cd)=0$.
1.2.Caractérisation par le produit scalaire
Evidemment, les isométries vectorielles sont aussi les transformations linéaires qui préservent la distance, au sens suivant : $f$ est une isométrie vectorielle si et seulement si pour tous points $M,N\in\mathbb R^2$ on a $MN=f(M)f(N).$ Cette caractérisation permet de généraliser la notion d’isométrie vectorielle aux transformations affines.
Il en existe toutefois une caractérisation purement algébrique à partir du produit scalaire, qui repose essentiellement sur la possibilité de recouvrer celui-ci à partir de la norme. En effet, pour tous vecteurs $u,v$ on a par définition $||u+v||^2=(u+v)\cdot (u+v)=|||u||^2+2u\cdot v+||v||^2,$ soit $u\cdot v= (1/2)[||u+v||^2-||u||^2-||v||^2].$ Les isométries vectorielles se caractérisent donc de la manière suivante :
Proposition 2
Une application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ est une isométrie vectorielle si et seulement si c’est une « transformation orthogonale », c’est-à-dire si pour tous vecteurs $u,v\in\mathbb R^2$ on a $f(u)\cdot f(v)=f(u\cdot v).$
Démontrons cette propriété. Supposons d’abord que $f$ préserve le produit scalaire, c’est-à-dire possède la propriété de l’énoncé, et soit $u\in\mathbb R^2$ : il vient $||f(u)||^2=f(u)\cdot f(u)=u\cdot u=||u||^2$, d’où $||f(u)||=||u||$ puisque ces nombres sont positifs et que la racine carrée est unique. Par conséquent, $f$ est bien une isométrie.
Réciproquement, supposons que $f$ est une isométrie, et soient $u,v\in \mathbb R^2$ : par le début de la section on a $2f(u)\cdot f(v)=||f(u)+f(v)||^2-||f(u)||^2-||f(v)||^2$ $=||f(u+v)||^2-||f(u)||^2-||f(v)||^2$ (puisque $f$ est linéaire) $=||u+v||^2-||u||^2-||v||^2$ (puisque $f$ est une isométrie) $=2u\cdot v,$ d’où $f(u)\cdot f(v)=u\cdot v$ en divisant aux deux membres par $2.$
1.3.Isométries vectorielles et bases orthonormées
Nous savons que les transformations linéaires du plan sont précisément les applications linéaires qui transforment toute base $(u,v)$ du plan en une autre base $(f(u),f(v)).$ Or, les isométries linéaires sont injectives, donc bijectives. En effet, si $f$ est une isométrie et $f(u)=0$ pour $u\in\mathbb R^2,$ on a $||u||=||f(u)||=0,$ donc $u=0$ par les propriétés de la norme euclidienne, et $f$ est donc injective, c’est-à-dire bijective dans ce cas. Soit alors $B=(u,v)$ une base orthonormée, c’est-à-dire telle que $||u||=||v||=1$ et $u\cdot v=0$ : comme $f$ est une isométrie, on a $||f(u)||=||u||=1=||v||=||f(v)||$ et $f(u)\cdot f(v)=u\cdot v=0,$ donc $(f(u),f(v))$ est une base orthonormée.
Réciproquement, si $f:(x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ est une application linéaire qui transforme toute base orthonormée en une base orthonormée, alors c’est vrai en particulier pour la base canonique $B=(i,j)$ avec $i=(1,0)$ et $j=(0,1).$ Cela signifie que le couple $(f(i),f(j))=(u,v)$ avec $u=(a,b)$ et $v=(c,d)$ est une base orthonormée, autrement dit que $a^2+b^2=1=c^2+d^2$ et $ac+bd=0.$ Mais par la proposition 1, cette propriété caractérise les isométries vectorielles, si bien que nous avons démontré :
Proposition 3
Une application linéaire $f:\mathbb R^2\to\mathbb R^2$ est une isométrie si et seulement si elle transforme toute base orthonormée en une base orthonormée.
Ainsi, les isométries vectorielles sont précisément les transformations linéaires qui échangent les bases orthonormées, et qui donc préservent toute la structure « euclidienne » du plan.
2.Rotations vectorielles
2.1.Caractérisation des isométries par le déterminant
Si on considère la dualité entre points et vecteurs, intuitivement une isométrie vectorielle $f$ transforme un vecteur $u,$ pointant sur le cercle $C$ de centre $O=(0,0)$ et de rayon $||u||,$ en un vecteur $f(u)$ pointant sur le même cercle, puisque $||f(u)||=||u||.$ On pense ici aux rotations du plan autour du point $O,$ ainsi qu’aux symétries orthogonales par rapport à une droite passant par $O.$ Ces transformations sont en fait les deux seuls types d’isométries vectorielles du plan, ce que nous établirons à partir d’une caractérisation de celles-ci par leur déterminant.
Proposition 4
Si $f:\mathbb R^2\to \mathbb R^2$ est une isométrie vectorielle, alors elle est de la forme $(x,y)\in \mathbb R^2\mapsto (ax-by,bx+ay)$ ou bien $(x,y)\mapsto (ax+by,bx-ay)$, avec $a^2+b^2=1$. En particulier, le déterminant $ad-bc$ de $f$ est $1$ (premier cas) ou $-1$ (second cas).
Démontrons-le. Par la proposition 1, $f$ est de la forme $(x,y)\mapsto (ax+cy,bx+dy)$ avec $a^2+b^2=1=c^2+d^2$ et $ab+cd=0.$ Puisque $a^2+b^2=1,$ on a $a\neq 0$ ou $b\neq 0$ : si $a\neq 0,$ on a alors $c=-bd/a$, d’où $1=c^2+d^2=(b^2d^2)/a^2+d^2,$ d’où $d^2(a^2+b^2)=a^2,$ et finalement $d^2=a^2,$ c’est-à-dire $d=\pm a.$ Si $d=a$, alors $c=-bd/a=-ba/a=-b$, tandis que si $d=-a$, alors $c=-bd/a=ba/a=a$, et ce sont bien les deux cas de l’énoncé. Mais si $a=0,$ on a alors $b\neq 0,$ et $d=-ac/b=0,$ d’où aussi $b^2=1=c^2,$ c’est-à-dire $b,c=\pm 1.$ Si $b=c,$ alors $f$ est de la forme $(x,y)\mapsto (by,bx)$ et $det(f)=ad-bc=-1$ puisque $bc=1$ (second cas), tandis que si $b=-c,$ alors $f$ est de la forme $(x,y)\mapsto (by,-bx)$ et $det(f)=1$ puisque $bc=1$ (premier cas).
Par conséquent, l’identification analytique complète des isométries vectorielles permet, à partir de leur simple définition, de les caractériser comme transformations linéaires de deux types possibles.
2.2.Rotations vectorielles
Le premier type d’isométrie vectorielle que nous voulons considérer par la proposition 4 est celui des transformations linéaires de la forme $(x,y)\mapsto (ax-by,bx+ay)$ de déterminant $1.$
Définition 2
Une rotation (vectorielle) du plan est une transformation linéaire du plan de la forme $r:(x,y)\mapsto (ax-by,bx+ay)$ avec $a^2+b^2=1.$
Les rotations vectorielles correspondent précisément à ce que l’intuition suggère : pour tout vecteur non nul $u=(x,y),$ la rotation de la définition fait « tourner » $u$ autour de l’origine, pour l’envoyer sur un vecteur $v=r(u)$ de même norme. Mais l’intuition est visuelle, et sa traduction doit se conformer à des points de repère mathématiques. Or, nous avons décrit le plan euclidien comme le produit cartésien $\mathbb R^2$; il faut donc recouvrer les éléments de l’intuition par une approche analytique, et c’est ce que nous avons fait avec la notion d’isométrie. Et puisque l’intuition suggère que les rotations sont des isométries, elles doivent donc être définies comme telles, et nous les identifions aux isométries de déterminant $1$ parce qu’elles préservent l’orientation.
Exemple 1
i) La symétrie centrale $(x,y)\mapsto (-x,-y)$ est en fait une rotation vectorielle, si on pose $a=-1$ et $b=0.$ C’est la rotation d’angle $\pi.$
ii) Si $p$ est un nombre réel, alors $(\cos p,\sin p)$ est un point du cercle trigonométrique, donc on a $\cos^2p+\sin^2p=1,$ et l’application $r:(x,y)\mapsto (x\cos p-y\sin p,x\sin p+y\cos p)$ est une rotation vectorielle d’angle déterminé par le point $(\cos p,\sin p).$ En particulier, si $p=\pi/6,$ la rotation $r$ vaut $r(x,y)=(x\sqrt 3/2-y/2,x/2+y\sqrt 3/2)$ pour tous $(x,y).$
iii) De même, pour $p=-\pi/3,$ on a la rotation $r:(x,y)\mapsto (x/2+y\sqrt 3/2,-y\sqrt 3/2+x/2),$ puisque $\cos -\pi/3=1/2$ et $\sin -\pi/3=-\sqrt 3/2.$

2.3.Propriétés des rotations vectorielles
On démontre facilement que si $r$ est une rotation vectorielle, alors sa transformation inverse $r^{-1}$ est aussi une rotation vectorielle. On démontre aussi que la composition $r’\circ r$ de deux rotations vectorielles $r,r’$ est une rotation vectorielle, et que $r’\circ r=r\circ r’.$ La propriété fondamentale des rotations vectorielles, qui permet de définir proprement les angles de vecteurs, est la suivante :
Proposition 5
Si $u$ et $v$ sont deux vecteurs non nuls et de même norme, alors il existe une unique rotation vectorielle $r$ telle que $r(u)=v.$
En effet, si nous notons $u=(a,b)$ et $v=(c,d),$ nous cherchons une rotation $r:(x,y)\mapsto (px-qy,qx+py)$ telle que $r(a,b)=(c,d).$ En particulier, les nombres réels $p$ et $q$ doivent vérifier le système suivant :
$$\left\{\begin{array}{c} pa-qb=c\\qa+pb=d,\end{array}\right.$$
dont le déterminant est $a^2+b^2=||u||^2\neq 0,$ et possède donc une unique solution $(p,q)$. On montre alors que la rotation $r$ définie avec cette solution vérifie bien $r(u)=v.$ On peut d’ailleurs calculer explicitement $p$ et $q$ en général, on a $p=(u\cdot v)/||u||^2=(ac+bd)/(a^2+b^2),$ et $q=det(u,v)/||u||^2=(ad-bc)/(a^2+b^2).$
Enfin, l’intuition suggère également que, contrairement aux symétries par rapport à un axe, qui fixent tous les points de l’axe, les rotations vectorielles différentes de l’application identique ne devraient laisser aucun autre point fixe que l’origine :
Corollaire 3
Si $r$ est une rotation vectorielle différente de l’application $Id:(x,y)\mapsto (x,y),$ alors pour tout $u\neq 0$ on a $r(u)\neq u.$
3.Symétries vectorielles
3.1.Symétries orthogonales par rapport à une droite vectorielle
Bienvenue sur La Règle et le Compas ! Pour lire les articles du blog en intégralité, merci de vous connecter. Si ce n'est déjà fait, vous pouvez vous inscrire librement ici sur MATHESIS.
0 commentaires